"Si vous me voyez sur la route, c’est que je n’ai pas le choix" : à 21 ans, elle sillonne la France seule avec son cheval et son âne, en route vers l’Espagne

Ils ont tous les trois la vingtaine, mais deux d’entre eux broutent l’herbe des talus. Inès Godart, 21 ans, a quitté la Vendée début mai avec un sac à dos, un peu de riz, un jeu de cartes, une tente… et surtout, deux compagnons de route : Quartz, son cheval au pelage alezan, et Dumbo, son âne infatigable.

Ce matin-là, elle remontait calmement la départementale à la sortie de Montcuq, le cheval à ses côtés, l’âne en queue de peloton.

"Avant de partir, je n’avais pas vraiment de trajet bien défini"

"Je suis un peu casse-cou", assume-t-elle dans un éclat de rire. "Je suis partie sans appréhension, même si je savais que je serais responsable de mes acolytes d’enfance. C’est moi qui choisis l’itinéraire, les pauses, le rythme." À raison de plusieurs heures de marche chaque matin, Inès avance à petits pas, au rythme de ses compères.

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"On démarre vers sept heures, et on s’arrête en fin de matinée. L’après-midi, on se repose. Ce n’est pas moi qui porte", avoue-t-elle. "Avant de partir, je n’avais pas vraiment de trajet bien défini. Je savais juste que je voulais aller en Espagne, et passer par Brive-la-Gaillarde". Son quotidien est réglé par les sabots. Le têtu du groupe, c’est Dumbo, qui raffole du milieu de la chaussée "parce que c’est ce qu’il aime, tout simplement", s’amuse-t-elle, tandis que Quartz marche d’un pas régulier, les sacoches bien équilibrées. "Il faut gérer les pauses, les frottements, les petits bobos… Je ne suis pas vétérinaire, mais les gens m’ont beaucoup aidée. Une longe cassée, un seau à remplir, on trouve toujours une solution", rassure-t-elle.

"Le Lot, c’est magnifique, mais affreux en même temps"

Le trio alterne entre GR, chemins de traverse, départementales et documente ses aventures sur TikTok. "Au début, je suivais le GR36. Maintenant, nous marchons souvent sur du bitume, mais paradoxalement, je n’aime pas la route. Si vous me voyez dessus, c’est que je n’avais pas d’autre option", insiste-t-elle. Et dans le Lot, ce n’est pas la pluie ni les montées qui l’ont fait douter, mais les cailloux.

"Le Lot, c’est magnifique, mais affreux en même temps", lance-t-elle ironiquement, en évoquant les sentiers semés de pierres qui ont mis les sabots à rude épreuve. Au-delà du calcaire lotois, des sueurs froides accompagnent parfois les randonnées quotidiennes. "Ma plus grande peur, c’est la circulation, les voitures qui ne ralentissent pas." Sur la route, Inès et ses animaux sont assimilés à un véhicule selon le code de la route. "Les automobilistes sont censés mettre leur clignotant, freiner, mais parfois, ils passent très proche", observe-t-elle. Elle marque une pause, le regard plus grave. "Une fois, une voiture nous a frôlés à vive allure en criant "Mettez-vous sur l’herbe". J’ai cru qu’elle allait nous rentrer dedans", se remémore-t-elle. Heureusement, ces comportements restent rares. "La plupart sont adorables. Ils mettent les warnings, nous font des petits signes. Ces gestes-là, ça compte beaucoup", glisse-t-elle.

Une arrivée prévue le 13 juillet à Ustaritz

Sur le dos de Dumbo, rien de superflu. Tout est pensé pour ne pas surcharger son âne. "On part avec peu, et on vit bien. C’est simple", confie-t-elle. Le 13 juillet, elle retrouvera ses frères et sœurs à Ustaritz, au Pays Basque, pour terminer ensemble le chemin de Compostelle. "Depuis dix ans, on fait ça tous les étés, à notre rythme. Je vais les rejoindre là où ils s’étaient arrêtés l’an dernier", conclut-elle.

Après une courte pause sur un talus montcuquois, où Dumbo broute en silence, le trio se remet en marche. Le Lot est derrière eux. Devant, le Tarn-et-Garonne. Lentement, ils repartent, ensemble, cap sur la côte atlantique.