Interdire la vente d’armes blanches aux mineurs ? Le Royaume-Uni l’a fait pour un résultat en demi-teinte

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Par  B. M.

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Des gendarmes devant le collège Françoise-Dolto à Nogent (Haute-Marne), le 10 juin 2025.

Des gendarmes devant le collège Françoise-Dolto à Nogent (Haute-Marne), le 10 juin 2025. JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP

Décryptage  Après le drame survenu dans un collège de Nogent, François Bayrou a annoncé vouloir interdire « tout de suite » la vente de couteaux aux mineurs. L’exemple du Royaume-Uni, en avance sur le sujet, montre que le problème de fond ne sera pas résolu ainsi.

C’est un ensemble de six couteaux à dents, avec manche noir et lame d’une dizaine de centimètres, vendu 13 livres (15 euros). Un « indispensable » pour les « mangeurs de viande », dit le site d’Argos, chaîne de supermarchés britanniques… avant de préciser « que la vente de cet article est réservée aux personnes âgées de 18 ans et plus ». Que ce soit en ligne, par drive ou en magasins, la conclusion est ainsi partout la même au Royaume-Uni : il faut être majeur pour acheter un couteau.

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Un avenir souhaitable en France ? C’est en tout cas la promesse du Premier ministre à la suite de la mort d’une surveillante, poignardée mardi 10 juin par un élève de 14 ans lors d’un contrôle des sacs devant un collège à Nogent (Haute-Marne). Sur TF1 dans la soirée, François Bayrou a ainsi indiqué que l’interdiction de la vente de couteaux aux mineurs entrerait en vigueur « tout de suite ». L’exemple britannique, où ce type de législation a été instauré il y a près de deux décennies, montre bien que cette solution est très partielle.

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Une armada réglementaire a en effet été mise en place au Royaume-Uni, et bien avant que la France ne s’empare du sujet. La vente d’armes blanches a d’abord été interdite aux moins de 16 ans en 1996, puis de 18 ans en 2006 – sauf s’il s’agit d’un couteau à lame pliante de moins de 7 centimètres, rappelle le site du gouvernement. Puis, la législation n’a cessé de s’étendre. Depuis 2019 par exemple, les magasins doivent veiller à leur manière de vendre les couteaux, en les retirant des rayons ou en les mettant derrière des vitres sécurisées notamment.

Toujours « scandaleusement facile » d’accès

L’actuel gouvernement travailliste de Keir Starmer en a aussi fait une priorité. Ils se sont donné comme « mission pour le pays de diviser par deux le nombre de crimes commis à l’aide couteaux », dixit Yvette Cooper, ministre de l’Intérieur, lors de la conférence de leur parti en septembre. Depuis leur arrivée au pouvoir, les « couteaux zombie », c’est-à-dire avec des lames crantées de plus de 20 centimètres, ont été interdits et deux preuves de majorité sont désormais exigées pour acheter une arme blanche en ligne.

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Ces restrictions naissent régulièrement des faits divers. L’interdiction des « couteaux zombie » fait suite au meurtre de Ghulam Sadiq, 18 ans, en août 2022 par un jeune de son âge, avec une arme de blanche de ce type. De la même manière, la restriction d’achat en ligne a été mise en place après l’attaque de Southport en juillet 2024, où un adolescent de 17 ans a tué trois fillettes avec un couteau acheté sur Amazon. Ces armes sont toujours « scandaleusement faciles » d’accès, s’était alors indigné Keir Starmer dans le « Sun ».

« Il faut regarder au-delà de la lame »

Avec quels résultats ? Difficile à dire tant les facteurs sont multiples, comme l’exposait la série britannique « Adolescence », désormais proposée à la diffusion dans les écoles au Royaume-Uni, où un meurtre au couteau trouvait ses raisons dans la misogynie et les réseaux sociaux. A noter par ailleurs que les infractions commises à l’aide d’une arme blanche restent régulièrement en augmentation outre-Manche, ayant progressé de 4 % sur un an en 2024 et quasiment doublé depuis dix ans, selon l’Office national des Statistiques.

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Les législations restrictives sont des « avancées bienvenues » mais « pour prévenir efficacement les crimes au couteau, il faut regarder au-delà de la lame », a alors rappelé Ciaran Thapar, de la Youth Endowment Fund, une fondation pour limiter les violences chez les jeunes, dans une tribune pour le « Guardian » au lendemain de l’interdiction des « couteaux zombie ». Et d’affirmer que « l’accent doit être mis sur l’enfant qui tient la lame » en traitant « la violence comme un symptôme d’un délitement social plus large ».

Supprimer les couteaux « à bout pointu »

Surtout, Ciaran Thapar a rappelé un point central : les couteaux de cuisine. Il cite une analyse du gouvernement, entre avril 2022 et mars 2023, sur les différents types de lame dans les homicides. Résultat : près de la moitié des 244 meurtres sur cette année en Angleterre et au Pays de Galles avaient comme origine un couteau de cuisine. Des armes présentes dans toutes les maisons, gratuitement et à tout âge – et par extension quasi impossible à réglementer, même dans un pays qui a commencé ce travail bien des années avant la France.

Interdire la vente de couteaux aux mineurs « sera d’une inefficacité totale puisqu’il leur suffit de piquer un couteau dans la cuisine », a corroboré la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, sur BFM-TV et RMC ce mercredi. Quoique : deux chercheurs en criminalité à l’université britannique de Leeds ont récemment défendu dans une étude « que le remplacement des couteaux de cuisine à bout pointu létaux par des couteaux à bout rond plus sûrs » devait être la prochaine étape au Royaume-Uni…

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